Il est périlleux de vendre n’importe quoi à n’importe qui, a fortiori du zamal ; car rares sont ceux qui ont le caractère assez trempé pour résister sans broncher à un interrogatoire policier et la menace d’une nuit au gnouf. C’est ce qu’aurait dû se dire Jacky du 27è kilomètre à la Plaine-des-Cafres.
En mai 2013, les forces de l’ordre se livrent à un petit contrôle inopiné à la sortie du collège du 17è Km. Arriva ce qui était prévisible, certains sacs, au milieu des crayons et cahiers, offrent à leurs yeux un bel échantillonnage de cigarettes de zamal mieux roulées que des schémas de sciences naturelles.
Les jeunes ne font aucune difficulté pour « vendre » leur fournisseur : « A li minm ça monsieur ! » A savoir Jacky D., chômeur de très longue durée (il n’a jamais travaillé), vivant seul au 27è km, subsistant du RSA. Ce qui ne lui suffit vraiment pas pour ses besoins courants.
Chez bonhomme, les enquêteurs découvrent quelques centaines de plants amoureusement entretenus, hauts de quelques centimètres à 3 mètres, plus « un sac la paille » prêt à être mis sur le marché.
Jacky ne consomme pas, n’a jamais consommé. Il plante juste pour son petit commerce en gros et détail. Pour ce dernier, il a coupé au plus court : comme un aimable vendeur de marguerites, de samoussas, « ou comme un vendeur d’orchidées », souligne la présidente Flauss, il a installé son petit commerce à la sortie du collège. Clientèle assurée, paiement cash, pas de bobos…
Le seul hic est qu’il est difficile à un ado timide de résister à un gendarme en ordre de marche.
Les enquêteurs ont calculé que notre cultivateur-vendeur devait s’être « fait » environ 10 000 euros de recettes nettes en 2 années de pratique. Mais en fait, on ne sait pas depuis combien de temps dure son petit manège, le drôle n’étant vraiment pas causant. Chez lui, les gendarmes n’ont pas retrouvé le moindre cent, pas ça !
« Où est donc passé tout cet argent ? », demande la présidente. Dieu seul le sait, sinon que « moin la achète manger »
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Tout en soulignant le fait que Jacky a été plusieurs fois condamné pour braconnage nocturne des tangues en période prohibée, la présidente insiste : « Vous saviez que ce que vous faisiez était mal ? » La réponse vaut son pesant de pistaches : « Ben oui mais moin la fait comme les zaut’. Mi connais lé pas bien, madame la présidente… mais mon tête lé dure ! »
Il aura 8 mois, dont 4 avec sursis, pour méditer à l’ingratitude de sa clientèle.