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Commémoration de la départementalisation: Le discours de Maurice Gironcel

Ci-joint l'allocution prononcée, ce jour, au Port, par le Secrétaire Général du PCR, Maurice Gironcel, à l'occasion de la commémoration de la départementalisation (19 mars 1946) :

Ecrit par – le dimanche 19 mars 2017 à 15H36

Mesdames, Messieurs,
Chers (es) camarades, chers (es) invités (es),
Mesdames, Messieurs de la presse,
 
Cette conférence de ce matin a comme thème principal la « loi du 19 mars 1946, abolissant le statut colonial ».
71 ans après, nous ne sommes plus les seuls à dire que le cadre actuel n’est plus adapté.
 
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’ordre politique mondial est complètement bouleversé. Le début du démantèlement des empires coloniaux poussent les pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient à revendiquer leur indépendance.
 
Après la guerre 1939-1945, durant laquelle de nombreux réunionnais ont laissé leur vie, la Réunion était dans une situation de misère sociale effroyable.
 Le taux de mortalité infantile était un des plus importants des pays du monde.
Le taux moyen de l’espérance de vie n’atteignait pas 50 ans.
 
À cette époque, La Réunion est aussi une colonie. Quel a été le positionnement politique des communistes et des autres progressistes de notre pays ?
 
Le moment était venu, pour eux aussi, d’inscrire La Réunion dans ce grand mouvement de décolonisation.
 
En concordance avec nos camarades guadeloupéens, guyanais, martiniquais, le choix politique est, à ce moment-là, l’intégration à la France.
Les conséquences de la guerre sont désastreuses pour les colonies. Les responsables communistes et progressistes réunionnais, martiniquais, guadeloupéens et guyanais revendiquent l’égalité pour permettre à leur peuple de sortir de cette grande misère morale et sociale.
Il fallait exiger du pouvoir colonial l’extension de toutes les lois sociales obtenues par la lutte en France.
 
Ce choix est aussi la conséquence d’un régime colonial français prônant l’assimilation. À La Réunion, cette tendance est amplifiée par son peuplement, issu d’Europe, de la France, d’Afrique, d’Asie, de l’Inde, des Côtes du Mozambique, de Madagascar et des Comores. Ceci explique que la revendication sociale, en partie, l’a emporté sur l’affirmation identitaire. Cet héritage colonial nous a fait faire le choix de l’égalité avec le colonisateur plutôt que  l’indépendance.
 
Cela a abouti à la loi du 19 mars 1946, portée par Raymond Vergès, Léon de Lépervanche, Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monerville.
 
Nous célébrons aujourd’hui le 71ème anniversaire de cette loi, comme l’a rappelé Julie. Cette loi, votée à l’unanimité à l’Assemblée Nationale française, a mis fin officiellement au statut de colonie de La Réunion et lui a ouvert l’ère de l’égalité en proclamant le droit à l’égalité des droits sociaux pour les Réunionnais — comme pour les Martiniquais, Guadeloupéens et Guyanais — avec ceux de la France.
Nous pouvons rappeler les termes de cette loi, qui comportait trois articles, dont voici la teneur :
 

  • Article 1

Les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française sont érigées en départements français.

  • Article 2

Les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine et qui ne sont pas encore appliquées à ces colonies feront, avant le 1er janvier 1947, l’objet de décrets d’application à ces nouveaux départements.

  • Article 3

Dès la promulgation de la présente loi, les lois nouvelles applicables à la métropole le seront dans ces départements, sur mention expresse insérées aux textes.
 
Le choix de nos prédécesseurs était juste. La misère était telle dans nos pays qu’il fallait y mettre un terme le plus rapidement possible. Dès le début, cette loi a apporté des fruits et a contribué à améliorer le sort de nos populations : sur le plan de la santé, du logement, des infrastructures, de l’éducation, notamment. Et cela grâce aux luttes menées par les Réunionnaises et Réunionnais. Des luttes menées notamment par les communistes réunionnais.
 
Cependant, malgré les avancées arrachées par ces combats, la loi de 46 a été trahie dans les faits.
 
Dès 1959, les communistes ont constaté que la réelle départementalisation était inapplicable à cause de cette trahison. La pauvreté était toujours là, la fraude électorale régnait en maître, la répression s’abattait sur les progressistes.
Sur la base de l’analyse de cette situation, une nouvelle génération de jeunes dirigeants autour de Paul Vergès a fixé une nouvelle ligne stratégique.
Pour sortir de cette impasse, les communistes ont alors adopté le mot d’ordre d’autonomie, signifiant que c’est aux Réunionnais de gérer leurs affaires par l’intermédiaire d’une assemblée élue par eux-mêmes.
Ainsi, naît le Parti Communiste Réunionnais, parti proche, à l’écoute des Réunionnais et véritable outil pour lutter contre le joug colonial.
Il a fallu des décennies de luttes pour arracher l’égalité sociale, comme par exemple le même SMIC et les mêmes allocations familiales à La Réunion qu’en France.
Le PCR a toujours été à la tête  du combat ; nou lété avec zot ; réyoné aux côtés des syndicats, aux côtés des familles réunionnaises.
 
Faut-il rappeler la démission en 1987 de nos parlementaires Paul Vergès et Élie Hoarau pour protester contre une loi qui refusait l’égalité sociale ?
 
Démissionner d’un mandat pour défendre la cause réunionnaise, telle a été la posture, l’éthique du Parti Communiste Réunionnais : militer, militer avant tout pour les intérêts de la Réunion.
 
Depuis 1946, les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pouvoir en France étaient beaucoup plus soucieux de sauvegarder les  intérêts des grosses sociétés métropolitaines que d’aller vers une véritable égalité et vers un développement durable de notre pays.
 
Voilà pourquoi se sont constitués, à partir de 1946, des monopoles transformant notre économie en économie de comptoir.
Et l’histoire continue sous d’autres formes.
 
Le système colonial a été remplacé par un système néocolonial au profit des monopoles extérieurs. Le résultat est que nous sommes aujourd’hui arrivés dans une impasse. La situation actuelle ne peut plus être redressée dans ce cadre créé pendant ces 71 ans.
Ceci confirme la justesse de l’analyse des communistes réunionnais exprimée en 1959.
 
Cette situation nous la connaissons :

  • Un taux de chômage record qui frappe massivement les jeunes. 180 000 demandeurs d’emploi.

 

  • Un taux d’illettrisme élevé et qui ne diminue pas. 116 000 illettrés.

 

  • Des dizaines de milliers de famille en attente d’un logement. Plus de 25 000 demandes en attente.

 

  • Des inégalités qui font dire à l’INSEE que La Réunion est le département où les inégalités sont les plus grandes ; que c’est un département hors normes.

 

  • Un coût de la vie excessif qui fait que près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Près de 400 000 Réunionnais.

 
Cette situation est le résultat de la politique menée depuis 71 ans. La Réunion n’a pas eu suffisamment de liberté dans les décisions politiques, la concernant. Elle s’est aggravée d’année en année et les politiques menées par les différents gouvernements n’ont pas pu redresser la situation.
 
Pire, elles l’ont aggravée.
 
Poursuivre dans la même voie (un peu plus ou un peu moins de contrats aidés ou de défiscalisation) produira les mêmes effets. C’est à dire que rien ne sera réglé.
 
Il faut résolument une autre politique ; d’autant que des facteurs nouveaux viendront aggraver encore plus la situation.
 
Je veux parler de la crise sucrière : la fin du quota et du prix garanti du sucre, dès cette année, place notre filière canne-sucre en situation de compétitivité avec la production mondiale où les coûts de production sont bien inférieurs à ceux de La Réunion.
 
L’aide supplémentaire de 28 millions promise par le gouvernement peut aider momentanément la filière mais ne règle pas le problème de fond.
 
L’enjeu ce sont les 18.000 emplois directs et indirects de la filière, les 25.000 hectares plantés en canne. L’enjeu, c’est aussi l’aggravation de notre balance commerciale déjà largement déficitaire et qui le sera encore plus si la filière canne-sucre disparaît.
 
En plus de cette menace sur la filière canne-sucre, il y a les Accords de partenariat économique (A.P.E.) signés par l’Union européenne avec les pays voisins, sans que nous en soyons consultés.
 
Ces accords permettront aux produits de l’extérieur de rentrer à La Réunion sans taxe. C’est l’ensemble de notre production et pas seulement la production agricole qui est menacée.
 
Une autre politique est donc nécessaire.
 
Le cadre actuel a atteint ses limites. Il est indispensable de le dépasser pour régler les problèmes actuels et à venir, auxquels La Réunion est déjà ou sera confrontée.
Ce constat, nous ne sommes pas les seuls à le faire. D’autres forces politiques présentes, n’appartenant pas à notre formation politique, l’ont fait publiquement.
 
Ils reconnaissent, ainsi de manière implicite, la justesse des thèses fondatrices du PCR en 1959 et de la ligne suivie ensuite par le PCR.
 
En tant que Secrétaire Général, avec vous, nous pouvons exprimer notre fierté de voir que le PCR  continue à être présent dans les décisions politiques réunionnaises.
 
Oui, Paul, ton combat continue.
 
N’a-t-on pas entendu tel ou tel dirigeant ou dirigeante déclarer qu’il n’y a plus de lisibilité pour La Réunion, ou bien qu’il faut un autre logiciel, ou bien encore qu’il faut désormais l’émancipation pour aller vers plus d’autonomie. Vers une autonomie fiscale à 15% pour nos entreprises ; vers une autonomie énergétique ; vers une autonomie alimentaire.
 
Toutes ces déclarations convergent vers l’idée que le cadre actuel mis en place en 1946 a donné tout ce qu’il a pu donner mais qu’il est maintenant dépassé.
 
Ce constat, le PCR l’a fait depuis longtemps déjà et il l’a réaffirmé le 5 février dernier lors de son 9ème Congrès, à Sainte-Suzanne.
 
Le moment est donc venu de rassembler toutes celles et tous ceux qui considèrent qu’il faut désormais un nouveau cadre.
Nous devons être offensifs. Qui va définir ce nouveau cadre ? Sûrement un technocrate parisien ! C’est nous, Réunionnais, « Rassemblés pour la Responsabilité » qui devons définir ce nouveau cadre.
 
Pour nous, il est évident que c’est aux  Réunionnaises et aux  Réunionnais, et à eux-seuls, de définir ce qui est nécessaire pour leur pays. Les décisions ne peuvent plus être imposées et venir de 10.000 kms.
Nos spécificités sont à prendre en compte et doivent être respectées. Paris i commande pas nous !
 
Cela suppose que dans le cadre de la République Française, ils aient un pouvoir politique avec des compétences élargies par rapport à celles qui existent actuellement et avec les moyens financiers pour mettre en œuvre une politique de développement durable pour La Réunion.
 
Ce qui, pour nous, se traduit par la mise en place d’une collectivité territoriale pouvant délibérer (en dehors des domaines régaliens réservés à l’État français) sur toutes les questions relatives au développement du pays.
 
Ces compétences élargies doivent également permettre de mener avec les pays voisins une politique de co-développement solidaire avec la possibilité de passer avec eux des accords de partenariat équitable dans tous les domaines, y compris des accords commerciaux.
Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et les Accords de Partenariat Economique vont accentuer cette crise.
 
C’est ainsi que nous définissons la responsabilité qui doit être attribuée aux Réunionnais. Nous devons définir un projet de développement partagé qui nous garantisse la sauvegarde des acquis arrachés pendant des années de lutte mais également notre insertion en tant qu’acteur responsable dans notre environnement géoéconomique.
 
Ce projet de responsabilité a toujours été au cœur des combats des différentes générations de communistes et ce, depuis la création de notre parti. Réussir à concrétiser ce projet de la Responsabilité est le plus bel hommage que nous puissions rendre à notre camarade Paul Vergès.
 
Tel est le nouveau cadre que nous appelons de nos vœux.
 
Une fois ce nouveau cadre défini, il appartient aux différents courants de pensée d’apporter leur contribution à l’élaboration d’un projet de développement humain durable sur le plan économique, social, culturel, environnemental, institutionnel. Car il s’agit de l’avenir de la Réunion.
 
Dans ces différents domaines, chacune et chacun peut apporter une contribution utile mais le débat doit s’instaurer entre les Réunionnais qui doivent assumer leur responsabilité.
 
C’est ce débat que nous souhaitons instaurer au moment où nous abordons des échéances importantes.
 
Et avant de dire pour qui on va voter le mois prochain ou dans deux mois, la vraie question doit être :
 
Qui doit être responsable de notre pays et que faut-il faire pour notre pays ?
 
Pour notre part, nous lançons plus que jamais un appel au rassemblement le plus large ; il s’agit de l’avenir des familles réunionnaises.
Nous pensons que l’heure de la Responsabilité est arrivée et c’est une étape décisive pour l’avenir de notre pays.
 
Nous avons connu en 1848 — le 20 décembre — l’ère de la liberté. Des hommes, des femmes et des enfants maintenus dans l’esclavage retrouvaient enfin leur liberté.
 
Nous avons connu en 1946, grâce aux combats de nos aînés, notamment Raymond Vergès et Léon de Lépervanche dont nous saluons une fois de plus la mémoire, l’ère de l’égalité avec la loi du 19 mars 1946 qu’ils ont fait voter, à l’Assemblée Nationale.
 
Le 15 novembre dernier, lors des obsèques de Paul Vergès, Elie Hoarau avait dit ceci : « pars en paix camarade, pars en paix, nous nous engageons à poursuivre tes combats ».
C’est ce que nous faisons aujourd’hui en prônant le rassemblement de toutes les forces vives réunionnaises, en plaçant la Réunion au centre des débats.
 
Fidèles à cet engagement, nous devons faire de 2017, l’ère de la responsabilité.
 
Le PCR a confirmé cet engagement solennel lors de son dernier Congrès.
 
Nous devons tenir ces engagements et personnellement, en tant que secrétaire général, je m’emploierai à mettre en œuvre les décisions du Congrès, pour aboutir au rassemblement souhaité, pour aller vers la  responsabilité.
 
Nous célébrons aujourd’hui la loi du 19 mars 1946, la fin du régime colonial et le début de l’ère de l’égalité, il y a 71 ans. Souhaitons que pour le 72ème anniversaire, l’année prochaine, nous ayons fait un pas décisif vers le rassemblement pour la responsabilité.
 
 
Chacune et chacun d’entre nous, ensembles, menons ce combat vers la responsabilité, pour la fierté du peuple réunionnais.
Plus que jamais, le combat continue !!!

 

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