Revenir à la rubrique : Politique

Claude Hoarau: « Va-t-on sanctionner ceux qui s’engagent pour l’Egalité ? »

Présent au Congrès des maires à Paris, le maire de Saint-Louis, Claude Hoarau, a produit une tribune libre consacrée à la précarité des agents de la fonction publique territoriale ainsi qu'au rapport de la chambre régionale des comptes. Voici l'intégralité de ses propos.

Ecrit par . – le mercredi 21 novembre 2012 à 09H44

« La précarité des agents de la fonction publique territoriale persiste dans les Outremers : lors du Congrès des Maires, j’ai interpellé l’assistance et le Président de la République sur cette inégalité criante.  

Il existe, dans ce domaine, un abime entre la situation qui prévaut dans l’Hexagone et de l’autre côté des océans. A La Réunion, la proportion de précaires est écrasante au sein de nos communes, qui comptent à peine 25% de fonctionnaires titulaires. En Métropole, ce chiffre atteint les 85% ! On comprend le brouhaha qui a accueilli mon collègue Patrick Lebreton, maire de Saint-Joseph, lorsqu’il a annoncé que sa commune ne comptait que 125 titulaires pour 560 précaires.
 
Plus qu’une inégalité, il y a là une injustice, dont, dans le contexte économique et social désastreux de La Réunion, les travailleurs sont les premières victimes. Ce contexte, c’est, on le sait, celui d’un chômage de masse, produit de la désindustrialisation du pays et du déclin de son économie agricole. C’est, la pauvreté, qui touche près d’un Réunionnais sur deux. C’est le manque de logements, et l’illettrisme.

Dans cette situation, les élus sont directement face à la souffrance de leur population. Devant le vide créé par le retrait de l’Etat, qui est pourtant garant des politiques de l’emploi, devant la persistance de déficits structurels, malgré l’effort de rattrapage entrepris depuis 30 ans, les élus sont en première ligne. « A portée de claques », comme dit une expression réunionnaise que l’on retrouve aux Antilles.
 
Le maire est, selon le président de l’association des maires de Guadeloupe, un « amortisseur de détresse ». Il est, dans chacune des communes de l’île, le premier employeur. On prend donc la mesure du moyen de pression politique que constitue la précarité. Trop souvent, les travailleurs communaux craignent pour leur emploi lorsque les échéances électorales approchent. Trop souvent, on mobilise les électeurs en leur faisant miroiter, une fois la municipalité conquise, l’emploi occupé par ceux qui sont en place. Avec l’explosion du chômage, l’instabilité de l’emploi communal est devenu un cancer, qui ronge la vie démocratique réunionnaise.
 
Mettre fin à ce scandale constitue donc, selon moi une nécessité non seulement politique, mais aussi morale et civique. J’ai donc, en 2009, lancé une opération visant à la titularisation des personnels communaux, destinée à porter à 65% le pourcentage de titulaires au sein de la commune de Saint-Louis. Je constate que de nombreux maires, et particulièrement en Guadeloupe, ont suivi le même chemin. Je suis alarmé de constater que les mêmes causes ont les mêmes effets. En Guadeloupe les maires qui ont titularisés voient désormais leurs communes sous contrôle de la Chambre régionale des comptes. A Saint-Louis, la décision de titulariser un personnel trop longtemps victime des alternances politiques, est la seule cause de nos difficultés budgétaires. Nous savions que cette décision allait grever nos finances mais nous l’avons prise, car la misère et le clientélisme pèsent plus lourd encore. C’est ce que j’ai dit aux maires de France, au Chef de l’Etat, et chacun a pu constater que mes propos faisaient consensus. Va-t-on sanctionner ceux qui s’engagent pour un traitement équitable des agents publics dans toute la République ?
 
Nous savons, à Saint-Louis, que l’équilibre sera rétabli, malgré la crise. Le déficit est en voie de résorption, quelles que soient les interprétation partisanes et polémiques que l’on entend ça et là. Aujourd’hui, c’est de temps dont nous avons besoin. Au moment où je vais rendre public l’avis de la Chambre régionale des comptes et l’arrêté de règlement d’office du Préfet, il est nécessaire que la CRC entende la demande que je n’ai cessé de formuler depuis 2010 : nous avons besoin d’une année supplémentaire pour redresser la barre, et permettre au budget communal d’absorber une mesure qui n’est qu’un pas vers l’Egalité. J’exige, aussi, que la question budgétaire ne serve plus de terrain à de basses  manœuvres. Et en particulier, que la Chambre régionale des comptes se comporte avec loyauté. Une loyauté qui, par le passé, fut bien écornée par des fuites, rumeurs et maniements d’informations sensibles organisés dans des buts qui ne trompent personne.
 
Claude Hoarau, maire de Saint-Louis »

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Soupçons d’emplois illégaux à la Région : « La fin ne saurait justifier les moyens »

La procureure de la République Véronique Denizot a demandé la condamnation des 11 prévenus de l’affaire des emplois présumés illégaux de la Région, ce jeudi lors de la quatrième journée du procès, une peine de 5 ans d’inéligibilité étant notamment requise pour l’ancien président Didier Robert, visé pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds . L’actuelle mandature de la Région, partie civile du procès, a demandé un préjudice à hauteur de 1,5 million correspondant à la somme des salaires versés aux huit conseillers techniques poursuivis pour recel.

Ratenon : « Rougail saucisses ek ketchup, plus jamais ça ! »

Jean-Hugues Ratenon a adressé un courrier au préfet pour faire part de ses inquiétudes devant le cours de deux essentiels de la cuisine locale et dans lequel il demande une table ronde avec tous les acteurs de la filière. Il poursuit son mécontentement sur les réseaux et “si ça ne plait pas au préfet tant pis”.

Marine Le Pen ne voit pas ce qu’il y a d’extrême dans ses idées

La figure de proue du navire RN est à La Réunion pour une visite de trois jours dans le cadre des Européennes. Elle a notamment surpris le bureau régional de son parti en annonçant la sélection d’une candidate réunionnaise qui n’était pas présélectionnée et a martelé sa position sur l’octroi de mer même si le dispositif national n’est pas à l’ordre du jour des Européennes.