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Blog d’Albert Ramassamy: Les lointaines tribulations d’un « p’tit malbar »

Parler de soi est une épreuve. Mais pour les aînés, c’est un devoir. Formés à l’école de la vie, ces aînés n’ont-ils pas le devoir d’aider de leur expérience, les universitaires et les élus devenus décideurs ?. Si certaines décisions administratives, cependant coûteuses, manquent leur but, c’est parce qu’elles ne sont pas adaptées à la réalité locale. Cette réalité, personne ne la connait en dehors de ceux, qui ont été, ou les acteurs ou les témoins de la transformation de la société réunionnaise. Car, elle n’est pas dans les livres d’histoire, mais dans les mémoires.

Ecrit par . – le vendredi 09 septembre 2011 à 14H56

En tant qu’Aîné, je m’autorise à donner mon avis sur le choix de la langue d’éducation. Comme tous les enfants du peuple, j’avais atteint l’âge adulte sans m’être exprimé oralement en français. J’ignorais que j’en étais incapable. L’évènement qui me l’a fait découvrir, m’a marqué à vie. J’en fus traumatisé. Comment l’aurai-je su ?. En classe, les élèves que nous étions, récitaient des leçons, faisaient des exercices écrits… Le Maître n’avait pas le temps de nous faire parler. Il monologuait devant nous. Il en fut ainsi, durant ma longue scolarité. J’apprenais le français par aspersion, tandis que je baignais dans la culture créole. Cette aspersion ne dépassait pas les limites de la classe. La radio existait peut-être, mais ses émissions limitées à un bulletin d’information n’étaient pas reçues dans mon village, dépourvu d’électricité. Quant à la télévision, elle était encore dans les limbes de la pensée inventive.

Ce qui devait arriver, arriva. Mobilisé, transporté à Madagascar (1943) et là, fort de mon brevet élémentaire et de mon année de Cours normal, je demande une audience à mon supérieur, officier. Ce fut une catastrophe. Une fois la première phrase dite, j’ai trébuché sur le reste, sans pouvoir me relever. Et depuis, avaient commencé mes angoisses. Devenu instituteur, je vivais dans la peur des chefs. Dés que l’un d’eux paraissait devant moi, je transpirais des paumes. Un croissant humide se dessinait sous mes aisselles comme pour me trahir. Et quand, je tentais de parler, ma voix se rebellait, s’enroulait en une pelote qui me bouchait la gorge. J’étais paralysé. Il en a été ainsi jusqu’au jour ou contre mon gré, je fus porté à la tête d’un syndicat fortement politisé. Majorité et opposition lançaient dans les combats leurs plus rudes jouteurs devant des salles combles. Leader de la majorité, c’était à moi de défendre mon camp. Je le fis avec tellement de rage et de conviction que ma parole se libéra. Au temps d’aujourd’hui, on peut s’épargner la honte de trébucher, dans l’usage de la langue française, par une fanfaronnade. Français ! "mon lé pas là, ek ça moin". "Moin na mon lang, mon quiltir". Si j’avais cette possibilité et que j’en avais usé, j’aurai échappé à l’humiliation, mais j’aurai raté, l’ascenseur social qui m’a si bien servi.

"Le Français nous a fait don de ces mots abstraits, si rares dans nos langues maternelles" (SENGOR) Si tu verses des larmes pour l’apprendre, ces larmes se font pierres précieuses. D’ou mon conseil : Parents, concernant votre enfant, prenez la bonne décision au bon moment. Si à l’entrée en 6ème, il n’a pas une maitrise de la langue française, égale à celle de ses camarades, il sera tenté de se défendre d’être repris devant eux, par une bravade : "moin nana mon lang !". Ce faisant son échec scolaire sera programmé.

 

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