Des villes comme Le Port, La Possession ou Saint-André, concentrent quelques gros bidonvilles composés chacun de plusieurs centaines de cases en bois sous tôles. Au total, ce sont parfois plus d’un millier de personnes qui y habitent, dans des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables.
Certaines communes, comme Le Port, se sont engagées dans une politique volontariste d’éradication et d’accompagnement des populations concernées dans des logements sociaux. Les premières opérations d’envergure ont vu le jour il y a près de 20 ans et on estime qu’il faudra encore une dizaine d’années avant d’avoir complètement résolu le problème. Au total, c’est un quart de la population portoise, soit près de 10.000 personnes, qui auront été concernées par ces opérations.
D’autres communes, comme La Possession, bien qu’ayant mis en place plusieurs ZAC et autres RHI, ont du mal à contrôler le phénomène…
A la Ravine à Malheur, sur le territoire de La Possession, le lit de la ravine est occupé par une vingtaine de cases faites de bric et de broc. Bien évidemment édifiées sur un terrain non constructible, elles disposent pourtant de l’eau et de l’électricité.
Des riverains du bidonville, la famille Aoustin, lassés de constater que rien ne bougeait malgré plusieurs demandes, se sont décidés à porter plainte contre la commune.
Par un jugement en date du 19 juin 2008, le tribunal administratif, a reconnu la réalité du problème et notamment le caractère inconstructible des terrains et a précisé qu’« en l’absence d’élément tendant à établir que les installations litigieuses ont été détruites ou régularisées, il doit être enjoint au maire de la commune de La Possession, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, de faire dresser un procès-verbal de l’infraction commise et d’en transmettre une copie sans délai au ministère public« .
Malgré tout, rien n’a évolué et aujourd’hui, les riverains souhaitent aller plus loin et ont porté plainte directement contre le maire de La Possession. Ils lui reprochent une foule de griefs qui vont de la mise en danger d’autrui jusqu’au refus de faire respecter la police des déchets et l’absence de dispositif d’assainissement.
Des constructions sans permis de construire sur des terrains inconstructibles :
Ils relèvent tout d’abord que, les terrains étant inconstructibles, le maire aurait du faire procéder à un procès-verbal constatant l’infraction, qui « aurait du être assorti d’une mise en demeure de détruire les cases sous tôles litigieuses« .
De fait, compte tenu des divers pouvoirs de police dont il dispose (police des déchets, de l’assainissement, prévention des troubles à l’ordre public) et en application de l’article L.2123-34 du code général des collectivités territoriales, un maire « qui n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait« , est pénalement responsable.
A noter que les maisons bénéficient de l’eau et de l’électricité. Or, les habitations sans permis de construire ne peuvent bénéficier de ces prestations qu’en cas d’intervention de la mairie en ce sens. Ce qui renforce encore la responsabilité de la commune et du maire qui ont visiblement préféré sédentariser les habitants à cet endroit, plutôt que de faire l’effort pour les loger dignement.
Avec l’inconvénient que leur responsabilité puisse être recherchée au pénal si par malheur un accident survenait dans ce bidonville.
Une absence de raccordement à un réseau d’assainissement :
Les riverains relèvent également la pollution de la ravine du fait de l’absence de raccordement à un réseau d’assainissement.
Il ressort du constat d’huissier qu’ils ont fait réaliser que « l’état environnemental et sanitaire de la ravine est aujourd’hui déplorable » et selon M. et Mme Aoustin, « imputable non seulement aux habitants de la ravine, mais également et peut être surtout à l’inaction et au désintérêt du maire qui ne s’est jamais conformé au jugement (…) du tribunal administratif« .
En l’absence d’un raccordement à un réseau d’assainissement officiel, les habitants du bidonville ont résolu le problème à leur manière en mettant en place un réseau de canalisations déversant les eaux usées directement en contrebas, dans l’eau de la ravine.
Au delà du risque sanitaire, avec notamment la présence importante d’enfants à proximité, bonjour les odeurs !
Un nombre de poubelles notoirement insuffisant :
Cyrille Lebon, un adjoint au maire de La Possession, s’était déplacé en 2002, juste après le passage du cyclone Dina. Il avait pu constater qu’il n’existait que 4 à 5 poubelles pour, rappelons-le, une vingtaine d’habitations. Depuis, malgré plusieurs mises en demeure du TCO, la situation n’a pas changé.
Résultat, les poubelles débordent régulièrement et les habitants, pour y remédier, effectuent la plupart du temps des dépôts d’ordures à proximité des habitations, dépôts rapidement recouverts par la végétation luxuriante à cet endroit.
Lors de la visite de Cyrille Lebon, le cyclone avait mis à mal la végétation et les décharges à ciel ouvert étaient apparues dans leur vraie dimension. Ce n’est pas pour autant que la mairie a réagi…
Depuis, les déchets encombrent les environs du bidonville. Parmi eux, de nombreux objets pouvant servir de réceptacle à de l’eau stagnante, comme une baignoire remplie d’eau pourrie et de plantes aquatiques dont la présence a été constatée par l’huissier.
Le pire est que les équipes pratiquant la démoustification dans le secteur évitent les cases du bidonville, comme l’a confirmé un technicien de la prophylaxie à la famille Aoustin.
Les habitants vivent dans un état de danger permanent :
Outre les risques liés aux dépôts d’ordures et au rejet des eaux usées dans le lit de la ravine, les habitants du bidonville de la ravine à Malheur ont à faire face aux risques d’incendie. Dans leur plainte, M. et Mme Aoustin font état de plusieurs départs de feu dans le lit de la ravine, à proximité des cases, qui ont nécessité l’intervention des pompiers.
De même, à plusieurs reprises déjà, et notamment en janvier 2002 à l’occasion du passage du cyclone Dina, les habitants du bidonville de la ravine à Malheur ont du être déplacés par les gendarmes dans une école et dans un dancing pour les mettre à l’abri, devant la fragilité de leurs habitations face à la violence des éléments.
Une bonne part de Comoriens et de Mahorais :
Dans sa plainte, la famille Aoustin met également en avant l’atteinte à la dignité humaine que représente le fait d’entasser dans des bidonvilles cette vingtaine de familles, pour l’essentiel d’origine comorienne ou mahoraise, et majoritairement composée de femmes et d’enfants pour celle installée à demeure.
Elle a sollicité le soutien de la Ligue des Droits de l’Homme et une rencontre avec l’association est prévue dans les prochains jours.