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Avant la télé, playstation, textos et autres selfies… à quoi s’amusaient les jeunes ?

Beaucoup ne s’amusaient pas vraiment… Nombre de nos copains d’antan étaient enfants de ti-colons de cannes. La gaudriole, c’était vraiment quand il y avait un instant de libre… autrement dit, pas souvent. Les samedis après-midi, les dimanches, ou encore durant les vacances, ils étaient au four et au moulin. Mais ne s’en plaignaient jamais : c’était […]

Ecrit par Jules Bénard – le samedi 27 mai 2017 à 14H56

Beaucoup ne s’amusaient pas vraiment…

Nombre de nos copains d’antan étaient enfants de ti-colons de cannes. La gaudriole, c’était vraiment quand il y avait un instant de libre… autrement dit, pas souvent. Les samedis après-midi, les dimanches, ou encore durant les vacances, ils étaient au four et au moulin. Mais ne s’en plaignaient jamais : c’était dans l’ordre (mal foutu) des choses.

Certains aidaient la maman à nettoyer la case puis à préparer les repas. C’était surtout pour les filles, ça. Les garçons, eux, étaient aux champs avec le papa, dépaillant, coupant les cannes quand c’était la saison ; ou rapportant des fardeaux de manger-cabri, des tentes de victuailles qui allaient rejoindre le manger-cochon. Ils ne s’en plaignaient JAMAIS.

A leur décharge, je dois dire que lorsque l’occasion leur en était fournie, ils n’étaient pas les derniers à faire preuve d’une imagination débordante…

Des outils aujourd’hui « indispensables »

Je vous parlerai plus spécialement des années 50/60. Après, tout est allé très vite. Trop vite ? Mouais !!!

La seule radio de l’île alors, Radio Saint-Denis, dans les fifties, ne fonctionnait que TROIS heures par jour. Avec des programmes très alléchants : « Une heure avec Lucienne Delisle… Une heure avec Luis Mariano… Les informations, le plus souvent re-balancées à partir de Radio Brazzaville… L’allocution du préfet… Les nouvelles de l’Assemblée par quelqu’un sûrement très important… La causerie de l’évêque… ». Palpitant. Et comme, en plus, les postes TSF se comptaient sur les doigts d’une seule main, notre temps ne se passait pas vraiment à ça. Le « Jeu des mille francs » ou les palpitants « Maîtres du mystère » (« tac-tac-tac-tac… Germaine Beaumont et Pierre Billard ») ne sont venus que bien plus tard.

Ce n’est que lors des vacances à Saint-Joseph, que Pépé Justinien m’a incité à écouter Radio Brazzaville avec lui. Sinon ça…

Pour la télé, parlons-en, elle n’est arrivée qu’à Noël 1964. Si chère que sur nos 250.000 habitants, seuls quelques dizaines pouvaient s’en payer une.

Game boy ? Play station ? Internet ? Jeux vidéo ? Téléphones portables abrutissants ? C’était encore à inventer. Mais je peux affirmer que même sans ces indispensables outils de la vie moderne (je ne les condamne nullement… juste leur emploi abusif), je ne me souviens pas que mes frangins, mes potes et moi, nous nous soyons embêtés une seule seconde.

Ces redoutables devoirs de vacances

Il est courant d’entendre les jeunes actuels couiner : « Je m’ennuie ». Comment font-ils pour se faire tartir à ce point ? Cette notion nous était inconnue. Mais comme dit gramoune, « nous té rien qu’in’ bande ti vicieux ».

Dès le premier jour des vacances, l’occupation incontournable, zenfants le riches comm’ zenfants-la-misère,  il y avait ces redoutables devoirs de vacances que le maître nous avait obligés à recopier la langue pendante, le dernier jour de classe. Ces devoirs nous empêchaient de nous ennuyer… mais qu’est-ce qu’ils nous pompaient l’air alors qu’il y avait un gros jacques bien mûr dans le champs de cannes de Thomas-la-Gobe, à un kilomètre à peine !

A l’école primaire, encore ça pouvait aller. Pierrot Malet, Théodore Hoareau, « monsieur » Ludo, « monsieur » Emile, « mâââme Fritz » ne nous abrutissaient pas : quelques schémas de plumes d’oiseaux, quelques cartes du Jura, la révision jusqu’à plus soif de la règle d’accord des participes passés « sans oublier qu’après le pronom neutre EN, l’accord ne se fait JAMAIS ! ». Avec ça, les devoirs de vacances étaient pliés.

C’est après, lors de l’entrée au lycée, que les choses devenaient sérieuses. Disons-le carrément, les versions et thèmes latins de Ti-Paulot, Ti-Mallol ou Ti-Crapaud, les devoirs de maths de Mangue-Carotte, les révisions de vocabulaire anglais de Ti-Crabe, nous pourrissaient bien la vie. Chez nous, c’était après le bol de lait, avalé à 6 heures car notre mère veillait au grain et avait la claque facile et appuyée, parole, hein Michel, hein Alain ?

Ah oui… Post-scriptum indispensable et irrévérencieux : Ti-Paulot = Paul Gérard ; Ti-Mallol = Jacques Lougnon ; Ti-Crapaud = monsieur Fabien (autrement surnommé Pupuce-le-chien) ; Mangue-Carotte = Claude Payet ; Ti-Crabe = monsieur Douyère…

Allé fouille patates-cochons, marmailles !

Je me délecte encore du souvenir que lors d’une de ces vacances, mon pote Jean-Michel Politzer, à Cilaos, m’a donné ses travaux de latin. C’est une des rares fois où j’ai eu une bonne note. Pour le reste, ces devoirs étaient expédiés en deux à trois heures chaque matin. Après quoi, « vive vacances ! » Le plus dur alors était de trier dans toutes les turpitudes nous venant à l’esprit et Dieu sait qu’ils étaient fertiles, ces cerveaux débridés !

A La Rivière, par exemple, une de nos courses préférées était « allé fouille patates-cochons ». Ah ! Que je vous narre par le menu ces expéditions auprès desquelles celles de Stanley et Livingstone-aïe-prisioume ressemblaient à d’aimables « joué cannettes ».

La patate-cochon est un gros tubercule s’épanouissant le plus volontiers dans les fonds de ravines, endroits casse-gueule s’il en est. Nos préférés.

Il faut trouver, dans ces recoins escarpés, des lianes aux feuilles semblables à celle de la liane-aurore, courant à ras-de-terre. Lorsqu’une racine s’enfonce dans le sol, il faut fouiller, fouiller, jusqu’à trouver quelque chose ressemblant à un cambar de belle taille. Les cochons en raffolaient… et nous aussi. Les tubercules les plus tendres se dégustent avec du sucre. Les plus gros finissent dans lemanger-cochon sur feu de bois. Mais le cochon n’avait pas toujours droit à sa part pleine et entière. Nous étions passés par là.

Un délice aujourd’hui totalement passé de mode : vive cette dégueulasserie appelée sandwich américain, autrement dit l’équivalent d’une piqûre de cholestérol en intraveineuse.

La chasse guêpes

Lorsqu’il y avait assez de patates-cochons pour les jours à venir, nous allions « la chasse guêpes ». Là, il fallait trouver les bons complices, ceux qui ne craignaient pas trop les piqûres de ces effrayants hyménoptères. Que je vous précise au passage : les différences entre guêpes et abeilles sont, et d’une, que ces dernières doivent être provoquées pour attaquer. Les guêpes, elles, foncent direct sur tout ce qui bouge. Deuxième différence, la piqûre d’abeille, à mon sens, est moins virulente. Troisième, hélas, l’abeille meurt après son attaque. Quatrième, l’abeille se consomme crue quand juvénile (zamouk) ; la guêpe en friture. Cinquième, seule l’abeille nous gratifie de cette merveille qu’est le miel, hein Dédé ?

Aujourd’hui, il y a des salauds qui vous vendent fort cher des grappes de nids attrapés à la bombe insecticide. De quoi vous empoisonner à l’aise. Nous, nous utilisions la seule méthode valable, qui endormait seulement les bestioles : un chiffon enroulé au bout d’un bâton, un coup de pétrole et d’eau, de quoi produire une belle fumée et chasser les mères-guêpes. Après quoi, le plaisir consistait à dépouiller les nids de leurs larves une à une. Puis on mettait l’huile à frire, on se mettait une grande serviette autour du cou et… oui, bon, passons.

Il y avait encore la possibilité, amusante mais rare, d’aller la chasse tangue. Compliqué car il fallait l’appui d’un compagnon à quatre pattes et les propriétaires de ces fureteurs au nez pointu ne les prêtaient que rarement.

Cowboys èk z’Indiens

Un des amusements essentiels était le « jouer la guerre », à savoir aux cowboys et aux Indiens. Les places les plus convoitées étaient celles du shériff (surtout Buck John) et de Kit Carson. La moins prisée celle de l’outlaw qui finissait immanquablement attaché au pied d’zavocat et n’était délivré de son inconfortable position que lorsque notre esprit de charité reprenait le dessus. Ou alors qu’un bon coup de fouètte-pêche de la maman qui estimait que …, etc. etc….

Les rôles de squaws étaient gentiment occupés par les sœurs des copains : ah ! Liliane, Jacqueline, filles de mâââme Georges et sœurs de Jo ! Au moment de choisir la sienne, il n’était pas rare d’assister à quelque peignée entre bons amis. Car avoir une squaw présupposait que l’on se cachât pour échapper aux chasseurs de scalps… dans quelque buisson bien camouflé. Oh, rassurez-vous, rien de compromettant, juste un frôlement des doigts, un coup d’z’yeux vite échangé, mais c’était déjà les prémices du « jouer docteur » qui viendrait avec l’âge, tas de p’tits saligauds va !

Lorsque nos rares panoplies de cowboys étaient en charpie pour cause d’usage immodéré, on se fabriquait notre attirail. Une branche avec rameau, bien taillée, faisait un Colt très acceptable. Pour les Indiens, pas de problème : une solide branche de pêcher, une gature (pardon, une ficelle la boutique) et une belle tige de fleur de canne, déplumée, pour la flèche.

L’ennui était que ces arcs étaient vraiment redoutables grâce (!) à la résistance très élastique du bois de pêche et l’aptitude à la tige de canne à voler très loin.

In jour comm’ ça, La Rivir’, moin la gaingn in totochement èk vieux Gaffa, le contrôleur d’car Patel, à cause ma flèche la arrive dans son boyo. Depu la case (l’ex maison hantée), la flèche cann’ lariv là-bas su lu devant la case colonel Albéric Legros ! « Et si ça té qui tir mon zyeux, ti fi d’garce ? » Après ça, moin la gaingn doub’ dose ensembe momon akoz i riait pas èk la fesse domoune ! Vous ai-je dit qu’elle avait la main lourde et le fouèt’ pêche à l’affût ?
(à suivre…)

 

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