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Air Austral : Les salariés sont-ils devenus fous ?

Beaucoup de Réunionnais sont fiers de voir notre ile disposer d’une compagnie aérienne régionale de grande qualité, à même de faire la nique à une compagnie 100 fois plus grosse comme Air France, tant en terme de confort que de qualité du service à bord. Certes, tout cela s’est fait au prix de quelques dizaines […]

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 04 janvier 2017 à 19H35

Beaucoup de Réunionnais sont fiers de voir notre ile disposer d’une compagnie aérienne régionale de grande qualité, à même de faire la nique à une compagnie 100 fois plus grosse comme Air France, tant en terme de confort que de qualité du service à bord.

Certes, tout cela s’est fait au prix de quelques dizaines de millions d’euros d’argent public investis en 2011 et 2012 pour sauver l’entreprise. Mais c’était apparemment le prix à payer pour éviter de créer 1.000 chômeurs supplémentaires dans une ile déjà sinistrée côté emploi. Sachant par ailleurs que si demain Air Austral disparaissait, ses concurrents s’empresseraient de se liguer pour augmenter les prix des billets et que ce seraient les Réunionnais qui seraient perdants.

Des prix qui n’ont pas bougé malgré une baisse du prix du kérosène

Cet amour des Réunionnais pour leur compagnie régionale a pris un petit coup derrière la tête quand ils ont pris conscience qu’Air Austral, tout comme les autres compagnies d’ailleurs, n’avait en aucune façon répercuté sur ses prix la baisse de 50% du prix du kérosène, qui représente pourtant plus de 20% du montant d’un billet. Ils ont bien entendu les arguments avancés par Marie-Joseph Malé selon lesquels cette baisse a été en grande partie compensée par une hausse de l’euro, mais les Réunionnais, qui ne sont pas aussi bêtes qu’on le pense, n’ont pu s’empêcher de se demander comment dans ces conditions avaient fait les autres compagnies de par le monde pour baisser leurs tarifs?

Comment en effet ne pas râler devant les prix prohibitifs des billets tant vers la métropole (1200€ un billet début décembre, c’est à dire hors période de vacances scolaires !) que vers les destinations de la zone (Maurice, Mayotte, l’Afrique du Sud)?

Plus de 100 millions d’euros d’argent public

D’autant qu’ils ont noté qu’après que la Sematra ait recapitalisé la société à hauteur de 18,6 millions en 2011, puis de 40 millions en 2012, la Sem dont la Région est le principal actionnaire avait réinvesti le mois dernier 48 millions.

Au total, ce sont donc plus de 100 millions d’euros d’argent public qui ont été investis depuis 2011. Les Réunionnais ont parfois l’impression de subir une double peine : ils financent la compagnie au travers de leurs impôts et ils payent malgré tout leurs billets à des tarifs exorbitants.

 

Le péril est aux portes d’Air Austral

La dernière injection d’argent public devrait servir, si l’on en croit un article du [Figaro]urlblank:http://www.lefigaro.fr/societes/2016/12/16/20005-20161216ARTFIG00363-air-austral-se-rapproche-avec-xl-airways-jeune-marie-avec-la-compagnie.php en date du 16 décembre dernier, à un rapprochement avec la nouvelle société issue de la fusion de XL Airways et de La Compagnie.

Air Austral pourrait dès lors prendre la tête d’une compagnie plus grosse qui desservirait également New York, la Guadeloupe et la Martinique, ce qui permettrait de mutualiser les moyens, et donc de maintenir la rentabilité dans un contexte de concurrence beaucoup plus rude.

Dans le même temps, on apprend qu’Air Austral a demandé des droits de trafic vers d’autres villes des Etats-Unis.

Air Austral ne peut indéfiniment dépendre essentiellement d’une seule grosse ligne, Réunion/Paris. La stratégie est très clairement de se diversifier et d’aller chasser sur les terres de ses concurrents au moment où elle va se voir concurrencer sur ses principales lignes.

Il est vrai que le péril est aux portes de la compagnie sainte-marienne. Ce sera d’abord l’arrivée dans quelques jours de Corsair à Mayotte qui va casser les prix et probablement obliger Air Austral à s’aligner. Ce sont les Mahorais qui vont être contents, eux qui trouvaient les prix des billets Mayotte/Réunion scandaleusement chers.

Mais surtout, c’est la desserte de la ligne Paris/Gillot par FrenchBlue (une filiale d’Air Caraïbes), à compter du 15 juin prochain, qui risque de faire mal à notre compagnie régionale. FrenchBlue annonce des billets A/R à 600€, à bord d’Airbus A350 flambant neufs. Pour avoir pu tester il y a quelques semaines entre Paris et Toulouse le premier appareil qui va desservir la Réunion, nous pouvons garantir que le confort à bord n’aura rien à envier à celui d’Air Austral ou d’Air France: sièges de dernière génération avec un espace suffisant même en classe économique, des écrans de la taille et de la qualité de celles d’un iPad, la Wifi, le silence impressionnant de l’A350 par rapport à un Boeing 777, etc… Tout le confort au prix du low cost ! Au point que le patron de FrenchBlue se fixe d’entrée de jeu un objectif de 20% de parts de marché !

Si Air Austral ne veut pas se faire manger, il est impératif qu’elle grossisse et comme il n’y a pas de petite vengeance, qu’elle aille au travers de la nouvelle compagnie chasser sur les terres d’Air Caraïbes en desservant la Martinique et la Guadeloupe. Très clairement, la hache de guerre est déterrée avec la compagnie antillaise.

Mais il faudra aussi qu’elle baisse ses tarifs sur la desserte de la métropole, quitte à rogner ses marges.

 

Et malgré tout, la grève générale se profile à l’horizon

Et c’est dans ce contexte qu’arrive cette grève des hôtesses et des stewards de la compagnie. La première réaction d’un observateur un peu sensé est de se demander si les PNC d’Air Austral ne sont pas tous devenus fous. Comment peuvent-ils être aussi irresponsables pour déclencher une grève qui coûte 800.000€ par jour à la compagnie, tout en portant des revendications impactant les comptes de plusieurs millions, à en croire la direction?

Mais une fois cette première réflexion faite, force est de faire certains constats. La situation que nous avons décrite plus haut, le personnel d’Air Austral la connait parfaitement. Les PNC sont bien évidemment conscients des risques qui menacent leur société. Et malgré cela, ils sont plus de 200 à faire grève depuis plusieurs jours !

Depuis ce matin en plus, les employés au sol ont décidé de rejoindre le mouvement et l’agence de Saint-Pierre sera fermée vendredi prochain. Les agents du call-center se sont déclarés grévistes, les mécaniciens sont entrés en négociations et les pilotes du SNPL abandonneront leurs cockpits si la CFDT entre officiellement en grève. Autant dire que la grève générale n’est plus loin…

Et si le plus important n’était pas l’argent ?

Quand on discute avec les grévistes, on en ressort avec le sentiment que les revendications avancées ne sont peut-être pas les plus importantes. Que cette grève n’est peut-être pas motivée que par des raisons bassement matérielles.

Quand on échange avec eux, ils parlent surtout d’absence de dialogue, de nominations à la tête du client, de promotions canapés, de salaires prohibitifs pour les quatre principaux dirigeants, d’un cadre récemment nommé qui serait en même temps responsable d’une société en métropole et qui utiliserait ses fonctions au sein de la compagnie pour aller régler ses affaires à Paris, de cadres retraités d’Air France qui cumulent leurs salaires avec leurs retraites, d’un autre cadre qui aurait insulté les Réunionnais, etc…

Nous ne savons pas si ces choses sont vraies, n’étant pas nous même employés au sein d’Air Austral et ne disposant pas des moyens pour voir comment ça fonctionne de l’intérieur. Ni pour connaitre les salaires de tout un chacun. Mais le ciel nous est tombé sur la tête quand nous avons entendu nombre de salariés nous déclarer qu’ils regrettaient Gérard Ethève. « Avec lui, on était certes maltraités, mais au moins la boite était bien dirigée« , avons-nous entendu à plusieurs reprises.

Pour la partie bonne gestion, on peut raisonnablement avoir quelques doutes quand on se rappelle de la situation financière d’Air Austral quand Gérard Ethève a été contraint de démissionner. Mais pour la partie dialogue social, quand on sait à quel point ce dernier faisait marcher son personnel à la trique, on se dit que le malaise doit être très profond pour qu’il en vienne à le regretter.

 

Faudra-t-il que des têtes tombent ?

Contrairement aux apparences, ce conflit n’est peut-être pas aussi compliqué à résoudre qu’on pourrait le croire au premier coup d’oeil.

Apparemment, un peu plus de considération, d’échanges, une dose de transparence et une confiance rétablie pourraient avoir beaucoup plus d’impact que quelques euros de primes supplémentaires sur une fiche de paie…

Reste que si personne ne le dit ouvertement, il est évident que les grévistes attendent que des têtes tombent. Ils sont conscients qu’il sera difficile d’obtenir celle de Marie Joseph Malé, même si c’est lui qui est clairement dans le viseur. A défaut, ils ont d’autres noms en tête.

Pour éviter que le conflit ne perdure et ne finisse par couler la compagnie, il faudra bien que la direction finisse par lâcher du lest. Reste à savoir à quel niveau se situeront les fusibles…

Pour mémoire, rappelons que la dernière grève de l’époque Gérard Ethève avait duré 17 jours…

 

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