Revenir à la rubrique : Politique

A-M Payet : « J’ai su dépasser ma condition d’ultra-marine »

"Je souhaite continuer", clame Anne-Marie Payet, sénatrice de la Réunion, élue à la surprise générale en 2001. Malgré le fait d'être en marge des autres hommes et femmes politiques locaux, sans doute plus médiatiques, l'ex-directrice d'école revient sur "dix années de mandature exaltantes" avec un bilan dont elle se dit fière. Malgré tout, elle émet des doutes sur le fait d'être reconduite par les grands électeurs car dit-elle, "les bons bilans ne font pas de vous une candidate réélue".

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 28 juillet 2011 à 11H36

 

Zinfos : Quel bilan faites-vous de ces dix années de mandature ?
A-M Payet : Je pense que j’ai été différente des autres sénateurs des DOM. J’ai su dépasser ma condition d’ultra-marine pour faire valoir des sujets d’envergure nationale. Souvent, on ne retrouve les sénateurs des DOM (ou les députés aussi d’ailleurs) que lorsqu’un texte a un rapport avec nos territoires. Trouverez-t-on ça normal de voir un sénateur de Bretagne n’assister aux séances qu’aux questions relatives à sa région ? Etre sénateur, c’est avant tout un mandat national.

Pour des projets nationaux que vous avez pu porter…
Je suis fière d’avoir pu travailler sur des sujets aussi importants qui ne concernaient pas que la Réunion ou les DOM, parfois avec l’aide de l’UMP ou même de la gauche. Des projets que sont par exemple la fin de vie des malades, le syndrome d’alcoolisation foetale, un amendement pour la mise en place d’un permis de conduire probatoire ou encore sur l’alignement des allocations familiales à Mayotte. Ce n’est pas politiquement correct de dire que les Mahorais venaient aussi s’installer à la Réunion parce que le niveau des allocations accusait un retard à Mayotte. Ce n’est pas politiquement correct de le dire mais bon. Il y a d’autres projets sur lesquels je suis fière d’être intervenue. Il n’y a pas que les addictions au tabac et à l’alcool mais aussi les addictions "sans substance" que sont les jeux vidéo ou les jeux d’argent. Je suis également intervenue sur la question de la médecine du travail. Vous savez, quand vous devenez sénateur, vous ne pouvez pas tout savoir. Si la commission vous désigne par exemple comme rapporteur, vous apprenez du sujet qui vous est soumis. Et c’est à partir de cette connaissance que vous pouvez vous forger votre propre opinion. Mais ma plus grande fierté c’est d’avoir aussi tenté de changer cette impression d’une île assistée que véhicule la Réunion.

Cette critique vis-à-vis de l’intérêt de vos collègues ultra-marins s’applique-t-elle aussi à Jean-Paul Virapoullé (A-M Payet devrait être deuxième de la liste du sénateur) ?
Ce n’est pas vraiment une critique. Ils ont peut-être une motivation autre pour se rendre dans l’hémicycle. Ce que je peux dire, c’est que je suis la plus présente et la plus active (dans un classement réalisé en 2010, la sénatrice avait était désignée premier sénateur des DOM en termes de présence : 148ème sur 343, Jean-Paul Virapoullé 275ème et Gélita Hoarau 307ème). Il faut dire aussi que j’étais plus disponible depuis le renouvellement du conseil municipal de Cilaos, ce qui fait qu’il m’arrivait de faire jusqu’à trois semaines complètes de travail au Palais du Luxembourg.

Au point d’être devenue secrétaire du Sénat…
Le travail d’un sénateur ne se résume pas à sa présence dans l’hémicycle. Il y a aussi tout le travail effectué en commission. Je suis d’ailleurs très fière d’avoir été élue en tant que secrétaire du Sénat et ce dès une première mandature, c’est très rare. C’est vraiment un poste qui est convoité (un secrétaire du Sénat joue un peu le rôle d’un bureau en charge des décisions internes importantes à l’institution comme le règlement intérieur, l’immunité d’un parlementaire…ndlr). En tout, ils ne sont que 12 secrétaires sur 343 sénateurs. En tant que secrétaire de la commission des affaires sociales, j’ai pu convaincre plus facilement mes collègues, c’était aussi un avantage.

Une reconnaissance nationale plus que réunionnaise serait-on tenté de dire ?
J’ai mené des actions qui ont eu un écho national, voire international avec une publication dans le journal Herald Tribune suite à un de mes travaux. Des jeunes thésards sont venus aussi me questionner pour alimenter leurs travaux de recherche sur l’alcoolisation foetale. J’ai aussi de nombreux soutiens d’importance comme le président du groupe addiction de l’Académie de médecine, mais comme le veut la formule : "nul n’est prophète en son pays".

Le fait d’avoir présenté des amendements non spécifiques à la Réunion joue peut-être en votre défaveur ?
Oui. Mais j’en suis fière. J’ai par exemple présenté un rapport sur les médicaments avec 25 propositions qui, s’il avait été suivi par le Premier ministre de l’époque, aurait pu par exemple accélérer l’arrêt de la vente du Médiator. J’ai présenté des amendements pour que le taux d’alcoolémie pour les conducteurs "A" soit inférieur au taux légal, ce qu’on appelle le permis probatoire. Ca été repris quelques mois après. On parle actuellement du taux de sucre plus important dans les produits alimentaires des DOM. J’étais déjà intervenue là-dessus il y a quelques années de cela mais le ministre de la santé de l’époque m’avait répondu qu’on ne pouvait pas obliger les industriels à modifier leur pratique. Il y a aussi de nombreux colloques auxquels j’ai assisté, au-delà même de mes obligations du Sénat. Il m’arrivait d’aller dans des villes métropolitaines et de ne rien voir du paysage. Beaucoup de gens s’imaginent que l’on va se balader…

On en vient à votre fameux amendement sur le tabac. Là aussi, diriez-vous qu’il a été mal compris ?
C’est une spécificité domienne qui ne méritait pas d’être conservée. D’une part, le fait de réduire les points de vente ne va pas faire diminuer la rentrée de recettes fiscales pour le Conseil général. Au contraire, l’achat d’une licence le sera annuellement et non une fois pour toute. D’autre part, il y a très peu de points de vente qui arrivent à faire du tabac leur principale vente. Sur l’éloignement des points de vente, je prends l’exemple d’un habitant des écarts qui descendait jusque-là acheter un seul paquet de cigarette chez son commerçant, désormais il irait en acheter dix si le point de vente se trouve un peu plus loin.  

Comment se passe la campagne d’un sénateur candidat ?
Il faut se rapprocher des maires. Moi j’ai préparé un bilan annuel, comme je le fais chaque année d’ailleurs et en plus cette fois-ci, je présenterai mon bilan décennal. Mis à part cela, j’ai reçu de nombreuses lettres de soutien. S’il s’agissait d’être élue que sur son bilan je serais élue haut la main (rires).

Justement, avec un bilan reconnu par beaucoup, pourquoi, très naïvement, une liste de fusion avec l’UMP n’a t-elle pas été possible ?
Etant donné les conditions de mon élection en 2001 où je suis arrivée un peu par hasard, pour eux je suis inexistante. Mon objectif à moi était de faire mes preuves. Peut-être que j’aurais dû faire plus de terrain mais l’avenir le dira.

Vos chances d’être élue semblent minces ?
Il y a parfois des conditions qui se créent lors d’une élection qui viennent changer la donne. Voyez par exemple ce qui s’est passé en 2010 aux Régionales avec la fissure PS-PCR. Tout peut encore se passer au niveau des grands électeurs. En tout cas, j’ai envie de continuer car il y a des choses qu’il faudra bien changer. Je pense à la seconde délibération qui stipule que lorsque les sénateurs votent contre l’avis du gouvernement, le Premier ministre puisse demander une seconde délibération. C’est comme si vous vous retrouviez dans la cour de l’école, que vous jouiez à une partie et qu’une fois terminée on vous disait qu’il fallait tout recommencer depuis le début.

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Pas de remise gracieuse pour les 477.885 euros réclamés à l’ancien comptable public de la Région

L’affaire a semé le trouble chez les élus de la Région, ce jeudi matin. Alors que la majorité régionale avait choisi de s’abstenir, deux seules voix de l’opposition ont suffi pour faire échec à la demande de remise gracieuse de l’ancien payeur régional Ahmed Abdallah. Le frère de l’ancien DGS de la Région Mohamed Ahmed devra donc bien s’acquitter de la somme de 477.885 euros réclamée par la Cour des comptes.

« Tu ne tueras point »

Le Mouvement Réunionnais Pour La Paix s’exprime en prévision de la semaine de la conscience et de la paix.

Ste-Marie : Un budget voté à l’équilibre, « une première depuis fort longtemps »

C’est un budget « à marquer d’une pierre blanche » pour Richard Nirlo. Le conseil municipal de Sainte-Marie qui s’est réuni ce jeudi a adopté un budget à l’équilibre, « une première depuis fort longtemps », insiste le maire de Sainte-Marie, qui a par ailleurs confirmé la quasi-résorption du déficit communal, passant en deux ans de près de 20 millions d’euros à 1,9 million.