Il est des affaires qui laissent un fort goût de fiel au fond de la gorge. Et une immense amertume dans l’âme. Avec en outre l’impression d’avoir rêvé.
Nicolas Férrère, petit, la cinquantaine avachie, comparaissait pour avoir battu trois de ses enfants (8, 11 et 16 ans) et martyrisé un bébé de 2 ans dont il avait épisodiquement la garde. Les détails sont sordides.
Autrefois marié en métropole à une femme dont il a eu quatre enfants, Nicolas a obtenu le divorce et est rentré seul à La Réunion. C’est alors que le calvaire des mômes a commencé. Violences diverses, corruption de mineur, violences sexuelles, tel fut leur lot « avec la complicité d’amis de la mère et d’amis des amis de la mère« . Pour parfaire le tableau, il faut savoir que la plus âgée s’est plusieurs fois trouvée obligée de mendier quelque chose à manger chez les voisins !
Cette mère indigne a été jugée il y a peu et a subi la lourde peine de quelques mois avec sursis. Comprenne qui pourra. Les enfants avaient déjà été confiés à leur père, ce qui revenait pour eux à tomber de Charybde en Scylla.
Pour un oui ou un non, les coups se sont mis à pleuvoir sur leur tête (et sur leurs corps). Les enfants de 8, 11 et 16 ans ont été dressés aux claques quand ça allait bien, au ceinturon dans les cas les plus sévères.
« Parce que je veux du respect, a expliqué l’accusé. Et je ne prétends pas qu’une fille de 16 ans me parle d’égale à égal« .
Puis viendra, grâce à l’insistance de la présidente Peinaud, l’ultime explication : « J’ai été élevé très durement. J’ai donc refait pareil avec mes enfants« .
Le pire est que deux des victimes tentent d’excuser leur père : « On avait mérité, on n’a pas été sages ! » D’ailleurs, ils auraient préféré rester avec lui que de retourner chez leur mère, ce qui se comprend un peu.
Mais le plus dur reste à venir et ce que ces malheureux ont subi, ce n’est encore rien, si je peux dire, à côté de ce que va subir un bébé de 2 ans, un moineau qui n’est pas son enfant !
Dans le quasi taudis sans électricité que les enquêteurs ont perquisitionné au Tampon, il n’y avait ni jouet ni rien pour distraire les enfants, et rien pour les nourrir dans les placards. En revanche, les gendarmes ont bien découvert la chaise en plastique et le rouleau de scotch avec lequel le tortionnaire attachait sa petite proie pour la punir quand elle pleurait.
Comment en est-on arrivé là ? Facile… Des amis de Nicolas lui confiaient le bambin quand ils avaient besoin d’aller faire les courses ou la bringue avec leurs amis. Comme disent nos vieux : « Ou mette lo chatte po veille la graisse ? » Car Nicolas a mauvais caractère et ne supporte pas les cris des enfants. Ce sont les voisins, alertés par les hurlements de détresse du môme qui ont d’abord tenté d’intervenir directement en appelant le bourreau au calme. Ils se sont fait insulter, ce que voyant, ces voisins ont alerté les autorités.
Le substitut Genet a d’ailleurs salué leur courage car en l’espèce, c’est plus la lâcheté qui domine : « Zaffair voisin i engarde pas nous ! » Heureusement que ces braves gens n’ont écouté que leur bon cœur.
Selon leurs témoignages, tous concordants, le petiot hurlait sans discontinuer. Nicolas le scotchait alors au-dehors, sur une chaise en plastique « pour le punir et qu’il arrête de hurler« , dira-t-il.
S’il n’y avait que ça… La petite victime a eu droit à des claques, des concerts de hurlements, des verres d’eau au visage et, plus fort, une aspersion au tuyau d’arrosage qui a presque failli mettre fin à ses jours.
Lorsque les forces de l’ordre sont intervenues, l’enfant, tout nu, attaché à sa chaise sous un toit en tôle surchauffé par le soleil, était entré en suffocation. Il s’en est fallu d’un cheveu. A noter qu’à ce moment, Nicolas s’était déjà mis en train avec un peu de zamal.
A la barre, Nicolas dit regretter. « Vous regrettez quoi ? » insiste la présidente. D’avoir frappé sa fille aînée. Du petit martyr, il ne dit rien. Soi-disant, c’est parce que le môme avait fait dans ses couches qu’il l’a aspergé. Plus exactement, « je l’ai rincé au tuyau« . Comment peut-on « rincer » un bébé ? Encore heureux qu’il n’ait pas eu de lessiveuse.
Il est vrai que peu après, il reconnaîtra avoir giflé l’enfant « sur les fesses« . Ah bon Et s’il lui avait donné un coup de pied… c’était dans la figure ?
Me Ferrante, pour la partie civile, est revenue en détail sur la vie horrible qui a été celle de ces enfants depuis leur naissance ou presque. En étant confiés à leur père, ils n’ont pas gagné au change. L’avocate a ensuite demandé quel allait être l’avenir de ces enfants, dispersés dans quatre familles d’accueil différentes, y compris la petite victime ? En ont-ils un, au demeurant ? Quand on a aussi mal démarré dans l’existence, sans amour sans tendresse, avec les coups, les agressions sexuelles…
Et quels seront leurs repères moraux et affectifs ? Car voici peu, la plus âgée ne comprenait pas pourquoi sa mère avait été condamnée ! Ce qui veut au moins dire que la capacité d’amour des enfants est plus forte que celle de leurs tortionnaires. Mais bon Dieu, que c’est dur d’entendre tout ça.
Surtout quand on entend ce sinistre individu affirmer sans rire que s’il acceptait de garder sa petite victime, je vous le donne en mille… « c’est parce que j’ai bon cœur« .
Délaissant le marteau, le substitut a choisi la masse du tailleur de pierres pour stigmatiser les actes horribles de l’accusé. Et pour que ce dernier comprenne bien le message de la justice… il réclama une peine de 9 mois avec sursis. Quelle sévérité pour d’aussi horribles actes !
Toute la salle en est restée sur le cul et je pèse mes mots. La défense s’est logiquement frottée les mains en plaidant quelques petites minutes, son boulot déjà fait par l’accusation.
Le Nicolas s’en tire donc avec 9 mois avec sursis et quelques centaines d’euros pour l’Arajufa. La salle s’est vidée de ses auditeurs qui avaient quelque peu les yeux en billes de loto. Votre serviteur au bord de l’écoeurement.