Revenir à la rubrique : Océan Indien

14 ans de l’autonomie: Rodrigues est désormais plus reconnue

A l’occasion de l’anniversaire de l’autonomie de l’île Rodrigues, une personnalité de l’île Rodrigues retrace pour les lecteurs de Zinfos974 les raisons qui ont poussé les Rodriguais à réclamer l’autonomie du grand frère mauricien, ainsi que le chemin parcouru depuis plus d’une décennie. Carte blanche à Benoît Jolicoeur, ex-ministre de Rodrigues et parlementaire.

Ecrit par – le jeudi 13 octobre 2016 à 17H29

Célébrer un anniversaire est une occasion de jeter un regard sur le chemin parcouru et de se rappeler des souvenirs. Les 14 ans de l’autonomie de Rodrigues ne fait pas exception.

Les Rodriguais ont voté pour la première fois en 1967 dans le cadre de l’accession de Maurice a l’indépendance. Alors qu’à l’ile Maurice la majorité des électeurs se sont exprimés pour l’indépendance, à Rodrigues ils étaient 98 % à voter contre.

Un fait historique qui est venu démontrer la différence d’appréciation entre les deux peuples. Une différence d’appréciation qui trouve sa source dans l’éloignement géographique entre les deux îles (600km), une différence au niveau du peuplement et au niveau culturel. C’est au nom de cette spécificité que Rodrigues a revendiqué son autonomie.

Durant les premières années qui ont suivi  l’indépendance, les Rodriguais se sont senti un peu négligé par Maurice. Ils étaient représentés à l’Assemblé nationale par deux élus issus du rang du Parti Mauricien Social démocrate  (PMSD) de Gaetan  Duval,  qui avait mené campagne  contre l’indépendance. Mais quelque  temps après, le parti a fait une coalition avec le parti travailliste pour diriger l’île Maurice nouvellement indépendante.

Rodrigues s’est alors senti négligé avec un pouvoir de décision qui était loin. Cette situation a  favorisé  la création d’un parti politique par les Rodriguais et pour Rodrigues en 1976. Il s’agit de l’Organisation du Peuple de Rodrigues (OPR)  avec  l’actuel chef Commissaire Serge Clair comme leader.  A l’époque, il revendiquait le droit à un parti politique rodriguais de représenter Rodrigues au parlement national et la nécessité de donner la possibilité aux Rodriguais de participer aux décisions en ce qui concerne son avenir et de prendre en main sa destinée. L’OPR  mettait l’accent sur les spécificités sociales, culturelles et économiques de Rodrigues, tout en disant que c’est aux Rodriguais de chercher des solutions aux problèmes rodriguais. Le concept de l’autonomie était bien présent mais il n’était pas encore bien structuré comme un projet politique.

Seulement 3 secteurs restent sous la responsabilité de Maurice

C’est aux élections générales de 1987 que la revendication de l’autonomie est devenue le cheval de bataille de l’OPR. Son programme politique avait pour titre : l’autonomie c’est le changement. Après sa victoire aux élections, Serge Clair a été invité à faire partie du gouvernement mauricien comme ministre de Rodrigues. Cette participation dans l’exécutif mauricien n’a pas pour autant fait taire la revendication pour l’autonomie. Au fil des années, ce concept a tenu une grande place dans l’orientation politique du parti, même si cela n’a pas toujours était bien compris et accueilli par les adversaires politiques locaux et certains dirigeants mauriciens.

Serge Clair a toujours voulu être rassurant. « L’autonomie ne veut pas dire l’indépendance. Nous voulons rester dans la République Mauricienne », répète-t-il souvent. C’est sûrement cette assurance qui fait que le gouvernement MSM/MMM issu des élections de l’an 2000 décide d’octroyer un maximum d’autonomie à Rodrigues. C’est le début d’un grand travail pour mettre en place de nouvelles structures administratives et politiques pour la gestion des affaires rodriguaises. L’Assemblée nationale a  voté à l’unanimité un amendement pour inscrire l’autonomie de Rodrigues dans la constitution mauricienne.

Cette autonomie donne à Rodrigues un très large champ d’action dans la gestion des affaires de l’ile. Seulement 3 secteurs restent sous la responsabilité de Maurice. Il s’agit du judiciaire, des finances et des affaires étrangères. L’éducation et la santé dépendent également de la politique nationale, mais la  responsabilité administrative de ces deux secteurs sont entre les mains de l’Assemblée régionale. Après les premières élections régionales du 29 septembre 2012, la première Assemblée régionale fut constituée le 12 octobre avec un conseil exécutif.

Des réalisations qui n’auraient pas pu se faire sans l’autonomie

Cette autonomie a d’abord permis à plus de Rodriguais de s’engager en politique active et d’apporter leur participation en ce qui concerne les prises de décision par rapport au développement. Dans l’ancien système, il y avait un ministre qui avait le porte-feuille de Rodrigues dans le gouvernement mauricien, et un député à l’Assemblée nationale. Avec l’autonomie, il y a une assemblée régionale de 18 membres et un conseil exécutif composé de 6 commissaires avec à sa tête le chef commissaire.

Depuis 14 ans, il y a au moins deux réalisations qui n’auraient pas pu se faire sans l’autonomie : Il s’agit de la fermeture saisonnière de la pêche a l’ourite et l’interdiction d’utiliser les sacs en plastique. Ce sont deux règlements initiés et votés a l’Assemblée régionale et implémentés par les autorités rodriguaises. Dans ces deux secteurs, l’île Maurice a ensuite emboité le pas sur Rodrigues. Ce qui a permis à Rodrigues d’être mieux connu dans la région. A l’ouverture de la pèche a l’ourite cette année, une délégation de la Tanzanie et de Zanzibar est venue constater de visu l’expérience rodriguaise en la matière.

L’autonomie est avant tout une grande fierté pour les Rodriguais

L’autonomie a permis d’intensifier la coopération régionale où les besoins spécifiques de Rodrigues sont pris en considération. Il y a une plus grande coopération au niveau culturel avec les Seychelles qui a partagé son expertise pour la mise en place des archives sonores à Rodrigues. C’est aussi avec le soutien du lycée Saint-Joseph de l’île de la Réunion que des Rodriguais ont reçu des diplômes qui leur donnent le moyen de se professionnaliser dans le domaine agricole.

L’autonomie est avant tout une grande fierté pour les Rodriguais qui se sentent mieux reconnus et mieux respectés par l’île Maurice. Ceci se vérifie entre les deux peuples. Les différents gouvernements font désormais plus attention pour ne pas aller à l’encontre de la volonté et des aspirations des Rodriguais.

Mais la bataille n’est pas gagnée. Il y a toujours du chemin à faire. Il y a encore des cas où les interventions ministérielles emboitent le pas dans les secteurs ou les textes de loi disent clairement que c’est dans le domaine de la responsabilité de l’Assemblée régionale.  

L’autonomie a permis de parcourir un long chemin pour la reconnaissance de l’identité et la capacité du peuple de Rodrigues. Mais il faut être vigilant car la volonté de tout contrôler de haut et de loin sommeille toujours quelque part.

Benoît Jolicoeur
1991-1995 : Député  de l’Assemblée nationale pour Rodrigues
1996-2000 : Ministre de Rodrigues
Ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire « L’Express Rodrigues », ex-correspondant de l’hebdomadaire « La vie Catholique » pour Rodrigues et ex-journaliste à la radio télévision national (MBC) pour Rodrigues


[L’île Rodrigues fête le 14ème anniversaire de son autonomie]urlblank:http://www.zinfos974.com/L-ile-Rodrigues-fete-le-14eme-anniversaire-de-son-independance_a106352.html

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Forte houle : Trois noyés et trois disparus à Maurice

Un épisode de forte houle a concerné ce week-end les Mascareignes. Si aucun dégât d’ampleur n’a été signalé à La Réunion, l’île sœur a connu plusieurs drames. Trois personnes sont mortes noyées et trois autres sont portées disparues.